Christine RUSSIER – CFG Alsace

Usufruit et Nue propriété

Évaluation des biens transmis en usufruit ou en nue-propriété :

La valeur imposable au regard des droits de succession ou de donation de l’usufruit viager et de la nue-propriété correspondante est fixée forfaitairement à une fraction de la valeur de la propriété entière, d’après l’âge de l’usufruitier, conformément au barème ci-après (applicable à compter du 01.01.2004) :

Age de l’usufruitierValeur de l’usufruitierValeur de la nue-propriété
Jusqu’à 20 ans accomplis90 %10 %
De 21 à 30 ans80 %20 %
De 31 à 40 ans70 %30 %
De 41 à 50 ans60 %40 %
De 51 à 60 ans50 %50 %
De 61 à 70 ans40 %60 %
De 71 à 80 ans30 %70 %
De 81 à 90 ans20 %80 %
A partir de 91 ans10 %90 %

La valeur de l’usufruit temporaire, est aussi définie par le code général des impôts : 23% par tranche de 10 ans, plafonnée à la valeur de l’usufruit dans le barème ci dessus, ou pour une société à 69%.

Le droit d’usage et d’habitation, lui, est de 60% seulement de la valeur de l’usufruit. Cela explique qu’il soit beaucoup moins fréquent qu’autrefois.

     Définition de l’usufruit :

« L’usufruit, c’est l’usage et les fruits »

C’est le droit de jouir et d’user d’un bien. L’usufruitier a la charge d’en conserver la substance. L’usufruit est un droit temporaire, au maximum viager. Par exemple, l’usufruitier perçoit les fermages si le bien est une terre louée, il paie la taxe foncière, car les « fruits » sont le revenu net. L’usufruitier exploite s’il est exploitant agricole et que le bien est une terre. L’usufruitier habite la maison pour laquelle il détient un usufruit. L’usufruitier de parts sociales de société, par exemple d’une EARL, recueille le bénéfice attaché à ces parts. Il peut participer à toutes les assemblées générales de la société, mais ne dispose du droit de vote que pour les résolutions relatives à la répartition du revenu. Le nu propriétaire recueillera la pleine propriété des parts à terme.

     Définition de la nue-propriété :

« Être nu propriétaire, c’est être nu aujourd’hui, propriétaire un jour »

Pour vendre, pour signer les locations au-delà d’une certaine durée, pour hypothéquer, etc. usufruitier et nu propriétaire doivent être d’accord. Concrètement, un bail rural doit être rédigé par l’usufruitier et le nu-propriétaire ensemble. Une vente du bien également. Par contre, une vente de la nue-propriété peut être réalisée par le nu-propriétaire seul.

Le nu-propriétaire est titulaire d’une promesse : à la fin de l’usufruit, il sera titulaire de la pleine propriété. Dans une maison habitée par les usufruitiers, la loi prévoit que le nu propriétaire, par exemple un fils, doit faire les gros travaux, comme par exemple la toiture ou l’aménagement d’une nouvelle pièce. Il arrive souvent que les parents assument de gros travaux du corps de ferme dans lequel ils vivent, alors que depuis 10 ans un des enfants est le nu propriétaire. Si les travaux représentent de fortes sommes, une sœur peut très justement y voir un déséquilibre.

Parfois le nu propriétaire est aussi le locataire : exemple : les parents sont usufruitiers de 15 ha de terres, dont leur fils, Claude est nu propriétaire. Les parents sont en retraite, et Claude, agriculteur exploite les terres en tant que fermier. Les usufruitiers perçoivent un fermage. Le nu propriétaire participe à toutes les assemblées générales de la société. Il dispose du droit de vote pour toutes les résolutions à l’exception de celles qui concernent la répartition des résultats. Les statuts peuvent avoir adapté cette règle de base de la loi.

L’usufruit successif

L’usufruit successif : Qu’est ce que c’est ?

Le propriétaire d’un bien, lorsqu’il donne la nue-propriété peut se réserver l’usufruit. Il peut aussi décider qu’après son décès, l’usufruit sera attribué à une autre personne.

Cette technique a deux noms : réversion d’usufruit ou les usufruits successifs.

Cette technique est très courante entre époux. Par exemple, M. MESSIER possède en bien propre une maison spacieuse. Par donation, il transfère la nue-propriété à son fils, Martin. Il conserve l’usufruit. Puisqu’il ne s’agit pas d’un bien commun, cet usufruit ne bénéficie pas à sa femme. Il va donc demander au notaire de prévoir un second usufruit, au profit de Mme MESSIER, pour le cas où il serait le premier à décéder.

 Une solution pour transmettre sur 2 générations

Cette formule est très pertinente de nos jours. Elle permet de transmettre sur 2 générations en anticipant les futurs problèmes.

Situation 1 : pas d’usufruit successif 

Le grand-père GEORGES a donné un bien en nue propriété à son fils DOMINIQUE : une maison. GEORGES a conservé une réserve d’usufruit. Quelques temps plus tard, DOMINIQUE souhaite transmettre à son propre fils SEBASTIEN la nue-propriété de cette maison, mais s’il le fait, DOMINIQUE ne profitera jamais de l’usufruit sur la maison, car l’usufruit passera directement du grand-père GEORGES au petit fils SEBASTIEN, en tant que nu-propriétaire. La transmission à SEBASTIEN ne peut avoir lieu. C’est parfois très bloquant, car c’est peut être justement cette maison qui permettait de trouver un équilibre satisfaisant avec les frères et sœurs.

usufruit

Situation 2 : Mise en place d’usufruits successifs

Le grand-père GEORGES donne un bien en nue-propriété à son petit-fils SEBASTIEN : une maison. GEORGES a conservé une réserve d’usufruit avec 2 bénéficiaires : d’abord lui-même, puis, à son décès, DOMINIQUE, seront successivement titulaire de l’usufruit de la maison.

 Une fiscalité reportée à plus tard !

Lorsque la donation initiale a lieu, seul le don de nue propriété est fiscalisé.

Avec l’exemple du grand-père GEORGES, c’est la nue-propriété de la maison que l’on passe dans le barème de donation. Et c’est tout ! La valeur de la nue-propriété est calculée en fonction de l’âge de GEORGES. On ne tient pas compte de l’âge de DOMINIQUE. Pourtant, l’acte de donation affirme clairement son futur usufruit, mais cela n’entre pas dans le calcul fiscal. Puis, au décès de GEORGES, DOMINIQUE reçoit l’usufruit de la maison. Le calcul d’impôt se fait à ce moment là. Avec la valeur de la maison de cet instant et l’âge de Dominique en tant qu’usufruitier à cette date.

Grand-père GEORGES donne la nue-propriété de la maisonnette en 2005 :

  • Maison = 120.000 €
  • Usufruit à 70 ans = 40%
  • Nue-propriété = 60% de 120.000 € = 72.000€ reçu par SEBASTIEN, le petit-fils
  • C’est sur cette base qu’est calculé l’impôt.

Grand-père GEORGES décède en 2014 (après une vie belle et bien remplie) :

  • Maison = 130.000 € (le marché immobilier se porte bien)
  • DOMINIQUE est âgé de 54 ans
  • Usufruit à 54 ans = 50% de 130.000 € = 65 000 €
  • C’est sur cette base qu’est calculé l’impôt.

SEBASTIEN peut réclamer une révision de son impôt sur la base d’une nue-propriété à 50%